vendredi 8 mars 2019

La journée de la femme








1977, au siège des Nations Unies.

- Bon les gars, je dois vous lire une proposition des féministes qui veulent.... 
- Allez ça y est ça recommence, elles veulent quoi encore les chiennes enragées ?
- Non, Robert, s'il te plait, surveille ton langage, je te rappelle qu'on écrit des rapports sur nos réunions. Je reprends, donc les féministes voudraient une journée pour parler des droits des femmes. Ça fait depuis 1909 qu'elles fêtent cette journée et elles souhaitent que ce soit officialisé dans le monde entier... 
- J'ai du mal à comprendre, Michel, elles veulent quoi au juste les femmes ? Elles peuvent quasiment partout voter, elles peuvent quasiment partout conduire, divorcer, il leur faut quoi d'autre ? 
- Mais... 
- C'est clair, et que je n'entende pas parler d'égalité salariale, sans déconner, elles ne peuvent pas faire le même métier que nous, vous avez déjà vu une femme maçon ? Non ! Normal ! Elles ne savent même pas planter un clou ! 
- Attendez, attendez, Michel, t'es en train de nous dire que les femmes veulent UN jour par an pour parler des droits des femmes ? Ecoutez, pourquoi pas, ça va nous donner bonne conscience, chaque année on n'aura qu'à rédiger des rapports sur des trucs genre le nombre de femmes qui ont porté plainte pour viol ou violence conjugale qu'un transmettra aux médias, tout le monde va être choqué cinq minutes et on passera à autre chose. 
- Pas bête Haruki, mais tu ne penses pas que c'est ouvrir la porte aux féminazis pour d'autres revendications ? Par-ce-que désolée, le viol, ok, c'est pas cool, et si on touche un cheveu de ma fille, jte jure, je lui coupe les couilles et lui retourne la peau et en fais de abats-jours pour décorer mon chalet en Suisse, mais de là à se centrer sur les violences domestiques... Enfin, sérieusement, qui n'a pas été en colère car le rôti n'était pas assez cuit... ? 
- C'est vrai, Karl a raison, une torgnole de temps en temps, c'est pas la mer à boire... 
- J'irais plus loin messieurs, il faut aussi voir dans quelle condition une femme a été « violée » ! Maintenant tout est viol. Si on cautionne ce genre de journée, vous verrez, dans 40 ans, on ne pourra plus mettre une main au cul pépouz dans la rue sans se faire passer pour un vicelard. La femme qui se fait violer elle le cherchait, elle a certainement accosté avec une jupe trop courte ou un regard trop suggestif. Moi je suis sûr que tous ces « viols » démarrent d'un énorme malentendu. Ou alors ce sont des chaudasses qui se rétractent à la dernière minute... Il faudrait plutôt créer une journée pour que les femmes apprennent à rester à leur place et qu'elles arrêtent de foutre leur nez partout.
- Ouais ! Puis comment on saurait que les rapports de police ne sont pas truqués ? Il y a tellement de femmes qui vont porter plainte pour viol juste pour se faire remarquer... 
- Mais...
- Attendez, mes amis, je suis d'accord avec tout ça, mais concrètement, ne pensez-vous pas que la journée de la femme ne serait pas l'occasion pour faire marcher nos industries ? D'un point de vue capitaliste, ce serait parfait de communiquer sur cette date pour que les hommes offrent des fleurs à leurs femmes, mère, et tuti-cuanti pour faire marcher l'industrie du parfum, de la restauration, de l'électroménager et que sais-je ! On passe notre temps à dire aux femmes qu'elles doivent se faire belle, ce sera une occasion de plus pour les faire sortir et pour qu'elles fassent un tour chez l'esthéticienne car elles se sentent moches! J'y vois là une excellente opportunité pour célébrer la femme sous toute sa splendeur et quelle est la meilleure façon de la célébrer ? Avec un diamant mes amis, vous savez bien, diamonds are girl's best friends ! 
- Enzo, tu sais, c'est du génie ce que tu dis... tu es brillant au point de m'émouvoir. 
- Merci Igor, ça me va droit au cœur... 
- Mais ! 
- Bon du coup il faudrait caler une date, elles en disent quoi les meufs ? 
- Elles parlent du 8 mars.... 
- Ah non, ça c'est pas possible, c'est juste après la Saint Valentin, les gens sont pas cons à ce point ils vont pas retomber dans le panneau de la consommation un mois après... ! Il faut changer la date ! 
- Ahahahahahah
- Ahahaha, l'autre là « il faut changer la date » 
- Jojojojojo « les gens sont pas cons » ! Jorge, il faudrait que tu t'écoutes !! 
- Mais ! 
- Mais, mais, mais quoi Bernardo, exprime toi bordel, qu'est-ce-qui te fait chier ? 
- Mais vous ne pensez pas qu'on a un gros souci ? Déjà « journée de la femme » c'est hyper péjoratif, on dirait qu'il n'y a qu'une femme, à l'image d'une princesse Disney et qu'elle n'a droit qu'à une journée... Je trouve ça dégelasse. Et puis on est en train d'instrumentaliser tout le monde là, vous ne pensez pas plutôt qu'au lieu de mettre plein d'argent sur de la communication hypocrite il ne serait pas mieux de revoir les valeurs éducatives qu'on transmet à nos élèves, à nos enfants et à travailler plus sur l'égalité des genres dès la petite enfance ? Qu'il vaudrait mieux se dire qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre les hommes et les femmes, que tout est lié à l'acquisition et pas à la génétique ? Que ces revendications ne doivent pas se limiter à l'égalité salariale ou aux droits parentaux, ce qui me semble être le minimum mais que toute la société - les hommes comme les femmes - doit refuser au quotidien qu'un autre individu soit traités différemment car il n'a pas le même sexe... quand on y pense, c'est ridicule, c'est comme le romantisme, pourquoi on tient la porte à une femme ? C'est comme si on le faisait à une personne par-ce-qu'elle est noire... Ça n'a pas de bon sens... 
- Ah ne commence pas avec tes noirs ! Pardon Mohamed mais bon... 
- J'ai rien compris. 
- Il n'est pas un peu PD ce Bernardo ? 
- Bon, bon, allez, on n'a cas rebaptiser cette journée la journée « internationale des droits des femmes » et puis voilà. Karl, tu te charges de lobbies du chocolat, Gustavo des journalistes, Jean - Francis et Kunzang vous inventez des chiffres choquants mais pas trop sur la déscolarisation, prostitution féminine et tout le tralala et Jamad tu vois avec les chefs des états pour les rallier au projet. Au pire s'il faut stigmatiser quelqu'un ce sera les pays musulmans. Ben, quoi, faites pas cette gueule, on s'était mis d'accord pour que vous soyez les coupables de tout pour 80 prochaines décennies ! 
- Merci Michel, on a bien bossé ! 
- Christine, apporte le café!

Nous sommes aujourd'hui en 2019, sur 196 états (193 membres officiels) j'ai compté 31 ambassadrices. Ce qui fait un pourcentage de 15,81% de femmes membres de l'ONU. Je vous laisse en tirer les conclusions que vous souhaiterez. 




( et sinon, ça c'est la pub que je vois sur la route le matin en ce moment)  

mercredi 16 janvier 2019

“Ce n'est qu'une option”





L'autre jour, j'étais au téléphone avec un parent d'élève qui me parlait des difficultés de son enfant dans la matière. On discute, j'écoute ses arguments, son enfant travaille, mais il n'y arrive pas. Puis, il finit par me lâcher « il ne faut pas oublier que le basque, ce n'est qu'une option ». Dans un sens, je confirme, le basque est une option (et pas « qu'une »), j'en ai totalement conscience, ils ont des heures supplémentaires, du travail supplémentaire, la majorité des élèves ne choisissent pas de la prendre. Et le parent continue « Donc, moi, mon enfant quand il me dit que dès le premier cours il veut arrêter par-ce que vous travaillez du vocabulaire, que vous leur faites voir l'alphabet, ça m'inquiète un peu. Vous savez, vous devriez leur faire des choses plus ludiques, moins lourdes... »
Alors, pour commencer, merci pour vos conseils, j'apprécie de constater que le simple fait d'être parent permet certainement de juger la cohérence d'une matière enseignée par une personne diplômée et formé pour, je n'hésiterai donc pas à vous appeler avant ma future inspection pour que vous me prépariez. Puis, je suis désolée, mais le mot « option » ne signifie pas que c'est une garderie. On est à l'école, et je suis la première à détester le système scolaire, le bourrage de crane et tout ce qui s'en suit, mais la matière que j'ai choisi d'enseigner, aussi facultative soit-elle, est une vraie matière, en fait. Si vous et vos enfants espériez danser le fandango sur les tables, jouer au mus en buvant des patxaran et faire de la pelote avec des piments d'Espelette en colliers, je ne pourrais pas aider, je ne sais rien faire de tout ça.


Mais je ne peux pas blâmer les parents d'élèves et leurs enfants, en tout cas, pas uniquement eux. C'est le système entier qui méprise l'enseignement du basque et quand je dis ça, je ne joue pas à la victime, je parle de discrimination. (Je ne vais ici que parler de la matière scolaire et pas de la langue basque en général, j'en ai déjà parlé une autre fois et ce serait trop confus.)
Je me souviens par exemple, quand je préparais mon CAPES avoir demandé de l'aide pour préparer mon premier cours de stage à une amie de ma mère elle-même enseignante. Elle se prétendait communiste (et donc, par rapport à ma logique, anti-capitaliste), et m'avait dit « franchement, le basque au primaire, j'en vois pas trop l'intérêt. C'est très bien, mais il vaudrait mieux qu'ils apprennent bien le français et dès l'enfance l'anglais, puis on verra après pour les autres langues, non ? » Elle avait exprimé le fond de sa pensée, et je ne peux pas lui reprocher sa sincérité. Mais se permettre de rabaisser ce que j'étudie, ce que je me prépare à faire comme métier avec autant de liberté, ça m'avait tellement choqué que j'avais été incapable de lui répondre quelque chose de cohérent.
Plus tard, quand j'étais néo-titulaire, nous avions eu une formation avec tous les nouveaux profs des Pyrénées Atlantiques. C'était l'époque de je ne sais plus quelle réforme qui inquiétait tout le monde. En particulier moi, car le basque n'était mentionné dans aucun texte. J'avais partagé ma situation avec mes collègues et les formateurs, qui m'avaient tous répondu (après avoir passé la mâtiné à me dire « ça se voit que tu es prof de basque vu ton accent, heeeein !»... le truc qui n'a rien à voir.) : « ah mais de toutes façons, le basque est voué à disparaître ». Du coup, je me suis levée et suis partie, je ne voyais pas l'intérêt de suivre une formation pour quelque chose qui est voué à ne plus être.
Au travail, il y a plusieurs points de vues, certains sont tout à fait conscients du problème, d'autres ont encore du mal. L'exemple le plus courant c'est lors des conseils de classes. En général, vu que je n'enseigne « qu'une option », j'ai la chance d'avoir moins d'élèves que mes collègues, malheureusement, souvent, ce sont des groupes qui sont dispersés dans plusieurs classes. Ce qui signifie que je me tape une quantité de conseils de 30 élèves pour 10 que je connais. Ce n'est pas grave, il y a pire dans la vie. Mais lorsque je déplore le niveau de certains élèves, on me répond souvent : « oui, mais dans les matières fondamentales, ça marche plutôt bien ». Alors, c'est quoi une matière fondamentale ? Certainement une matière qui sert à quelque chose et qui sera importante dans la vie de quelqu'un ? On va donc tabler sur les maths, le français, l'histoire géo voir l'anglais, je suppose ? Et on dégage tout ce qui est lié à l'art et les options, évidemment. Très honnêtement, les maths, j'ai jamais compris l'intérêt. Ça fait partie des matières élitiste, être bon en maths, ça donne l'impression d'être quelqu'un de carré et de sérieux, mais ça sert à quoi ? Le théorème de Pythagore par exemple, à part à l'école qui l'a déjà utilisé s'il ne fait pas un métier lié à ça ? Moi, jamais. Et pour avoir eu cette conversation avec du monde, je sais que je ne suis pas la seule. Alors après, venir me voir et me dire que le basque au Pays Basque, ça sert à rien, ça me fait doucement rire. Ça permet seulement de communiquer avec des gens... Évidemment, si on veut, on peut s'en passer. Mais cracher dessus, alors qu'un jour ou un autre, tous ont été confrontés à quelqu'un qui leur a parlé en basque, je trouve ça triste, en plus du fait qu'on passe à côté d'un pan de son environnement quotidien. Juger l'utilité d'une matière est très subjectif selon les gouts, les aspirations d'une personne. Mais, juger une langue, la dévaluer, discréditer l'enseignant parce que c'est une langue minoritaire, c'est de la discrimination.
Ce que je raconte là n'est qu'une infime partie de mon quotidien, je ne compte plus les fois où j'ai bouillonné, me suis mordu la langue pour ne pas insulter l'autre ou pleurer, car je sais que ce sera moi qui passera pour la sectaire aux idées arrêtées. Pourtant je parle de respect. Pour enseigner mon option de merde, pas fondamentale, qui sert à rien, j'ai passé le même concours que mes collègues et en plus, vu que « le basque est voué à disparaître », j'ai du en passer deux en même temps. (demandez à des profs autour de vous, c'est costaud, quand même) Ce qui veut dire que je suis supposée être capable d'enseigner le basque et le français (quand on voit mes fautes, on peut en douter). Dans le fond, on s'en fout, mais je parle de légitimité. Je ne me sens jamais à ma place, je dois tout le temps justifier ce que je fais, je dois tout le temps me battre pour excuser l'intérêt d'une matière, ce qui prouve que l'acceptation de la langue basque n'est vraiment pas acquise.
Donc les gars, vu qu'en France vous vous souhaitez la bonne année jusqu'à mi-mars, n'hésitez pas à prendre la bonne résolution d'être un peu plus tolérants cette année. 




jeudi 5 avril 2018

Lettre à l'ado que j'étais





Idoia,

Si je ne me trompe pas tu es en 3ème et as vécu tes premiers émois au concert de Kyo (le batteur t'a fait “coucou” oui, je m'en souviens), tu chantes l'album Bidean de Ken Zazpi avec tes copines en rêvant secrètement de I. de 3.A. Tu es encore traumatisée car les garçons ont arraché le poster de Drazic que vous aviez affiché dans la classe et qu'ils lui aient dessiné une croix gammée sur le front. Tu n'écoutes pas en cours de maths car tu es trop occupée a gommer les culs en string que dessine T. sur ton cahier ou à écrire des petits mots à M. au sujet d'une bande de garçons de la plage, des abdos de je ne sais quel volleyeur et du potentiel de sexytude de Mallefoy et de Harry Potter. De l'extérieur, il semblerait que vous ayez les hormones qui vous travaillent beaucoup, à toi et ta petite bande. Tu n'aimes pas qu'on te prenne pour une fille superficielle, qu'on se moque de tes Converses dans ton dos, même si tu admets avoir passé quatre heures au téléphone avec ta meilleure amie pour savoir quoi mettre dans la valise de ton voyage scolaire à Londres, deux mois avant le départ. Tu t'es disputé avec A. l'an dernier et ça a été ta première vraie rupture, vous ne vous reparlerez plus jamais, et le fait d'y penser encore aujourd'hui prouve que tu t'étais entièrement et surement trop engagée dans cette amitié, finalement, comme dans tes relations, en général.
Je vais te dire,
Tout d'abord, tes gouts musicaux sont douteux et ne s'arrangeront pas dans les années qui suivront. Je ne peux pas renier ce que tu aimes, car je danserai dessus volontiers dès que j'aurai trois verres dans le nez mais bon... Tu connais plein d'autres choses, tu t’intéresses à plein d'artistes, mais tu n'as encore trouvé personne à qui en parler. Malheureusement, ça empirera, car bientôt, dans deux ans, tu feras ta baboche, tu écouteras du Tryo en sarouel dans l'herbe avec tes amis du lycée. La honte. 

Puis, tes inquiétudes semblant surtout se matérialiser dans la quête du parfait Clark Kent qui fera vibrer la Lana Lang qui vit en toi, je ne ferai pas durer le suspens plus longtemps : même si le petit copain idéal (bad boy au cœur tendre avec un skate sous le bras, un piercing à l'arcade...) n'existe pas, oui, tu auras des soupirants. Non tu n'es pas un monstre détestable et oui tu es digne d'intérêt. Arrête de t'identifier à des personnes à qui tu ne ressembles pas, je t'assure qu'il t'arrivera assez de choses pour que tu finisse par t'asseoir sur tes principes. D'ailleurs : tu es bourrée de principes. C'est vrai que pour ton jeune age, il y a des choses que tu as bien mieux compris que d'autres. Tu as le sens de l'injustice aigu et tu n'hésites pas à t'insurger. Mais tu es lourde parfois. Tu te dis athée et tu as pourtant une vision du monde ultra catho, je ne sais pas d'où ça te vient. La monogamie, la fête, les drogues, les tatouages, l'idée que tu te fais de certaines personnes... détends-toi, car, finalement, au moins une fois, tu ne respecteras pas ce que tu t'es infligée comme ligne de conduite. Aujourd'hui tu ne t'imposes plus beaucoup de règles préétablies et tu ne dors pour autant pas sur un matelas recouvert de pisse dans une usine désaffectée, une seringue au bras, des chiens dévorant les cadavres de tes camarades morts de froid dans la nuit (quelle douce et fantaisiste imagination tu as...). 

La colère est toujours là mais tu en as conscience. Tu la domptes, même si elle est coriace. Tu sais quoi ? Je dois te dire quelque chose qui te fera plaisir du haut de tes quatorze ans : Tu as raison.
Si tu sens que l'on te cache quelque chose, que tu te construis sur un mensonge, ce n'est pas pour rien : c'est le cas. Il faudra malheureusement que tu attendes encore bien longtemps pour comprendre l'origine de tes crises de colères, de l'instabilité de ta relation avec tes parents, de ton besoin absolu de vérité et de pureté mais ce n'est pas de ta faute. Tes réactions ont souvent été disproportionnées et tu en fais voir de toutes les couleurs à ta mère et ta grand mère. Cette dernière n'en a pas fini et toi non plus avec elle. C'est dommage, vous avez commencé à vous calmer et à comprendre qu'être ensemble était précieux beaucoup trop tard. Je peux te dire que ton attitude est nulle mais tu le sais, tu n'en n'es pas fière. Tu n'es pas encore prête à te remettre en question et de toutes façons, tant que tu n'as pas toutes les cartes en mains, je crois que ça ne sert à rien. Ça viendra, la bestiole qui est en nous, on réussira à la dompter un jour, pour l'instant elle ressort lorsqu'on est bourrées. (Je suis navrée de t'apprendre que tes longs discours de Amish anti alcool se casseront la gueule une fois arrivée au lycée). 

Autre aspect sur lequel je t'admire avec du recul, c'est ta lucidité pour comprendre les situations et saisir les gens. Tu sens rapidement à qui tu as à faire et tu te tromperas rarement au sujet de ceux qui t'entourent. Tu vois les gens que tu ne supportes pas maintenant ? A l'excepté d'une ou deux personnes, tu ne les supporteras pas dans quinze ans. En revanche lorsque tu te tromperas, ce sera avec force et violence, des grosses erreurs de jugement qui t'aveugleront et te donneront le goût de sang dans la bouche, qui te feront flirter avec la névrose et la passion dévastatrice. Ca s'arrangera, ça ainsi les moments de solitude, de faiblesse et d'impuissance que tu peux ressentir parfois, ce n'est pas un état permanent. Je sais, c'est bien facile à dire, mais tu n'es pas seule et tu es aimée. C'est lorsque je regarde ce qu'on a traversé, que je me dis qu'on s'en est sorties que je sais que je suis capable d'avancer. 

Enfin, j'ai une mauvaise nouvelle concernant ton image. Les années qui viennent seront plus difficiles encore pour t'intégrer et faire l'unanimité au sein d'un groupe ou d'une communauté. On te fera quotidiennement sentir qu'on te prend pour une conne, une coquille vide, une fille frivole prétentieuse et hautaine qui a peu de centres d'intérêt hormis le maquillage et assortir ses vêtements roses. Je sais que tu te dis « les cons, je les emmerde » et tu as raison. C'est comme ça que tu continueras à réfléchir, jusqu'au moins aux jours où j'écris ces lignes. Tu es mal tombée, tu as croisé des gens pas sympas qui t'ont pris de haut. Paradoxalement, c'est à cette période que tu feras les plus belles rencontres de ta vie et que tu lieras les amitiés les plus solides et constantes de la décennie (et demi) à venir. Dans quelques années, crois-le ou non, mais des gens seront ravis de parler avec toi de ce qui te plait, de ce qui t'émeut. Ton opinion intéressera et comptera. Cultive ton originalité, ta particularité, c'est ça qui te permettra de faire des rencontres riches et improbables. Tu es entière, tu fais les choses avec passion, et c'est tout en ton honneur, même si parfois tu défends tes idées un peu trop fort.

Pour finir, je voudrais te rassurer, te dire que tu es pleine de ressources, vraiment. Avec du recul, je sais bien que cette carapace de grande gueule pleine de principes nous a permis de tenir le coup et de filer droit, c'est une autodiscipline remarquable et je te remercie, car je ne serais pas aussi bien dans mes bottes si tu ne les avais pas portées avec autant de droiture. Je me demande souvent comment tu me verrais de tes yeux d'ado et j'espère que je ne te déçois pas trop. Les années qui viennent, tu vas beaucoup pleurer mais beaucoup plus rire. Tu vas te lancer des défis et te surpasser, te surprendre régulièrement. Non, tu ne deviendras pas chanteuse-actrice-machin, mais je crois qu'on peut être fières de notre parcours. Tu te souviens de la fois, petite, où tata Josée nous avait demandé ce que nous voulions faire dans la vie et que nous lui avions répondu « professeure et écrivaine » ? Ben, si on y réfléchit un peu, on n'est pas loin-loin.

P.S : La pâte fimo pour faire des perles pour cheveux, c'est beurk.
P.S.2 : Respecte tes profs de basque, tu risques de les recroiser régulièrement.
P.S.3 : EHZ 2006 : les txupit de vodka et le Nutella, ne se marient pas. Tu es avertie...
P.S.4 : Ta mère a raison, t'es jolie, souris!

mardi 10 octobre 2017

Une domination sans partage


(Je n'ai pas trouvé d'image pour illustrer cet article, du coup, je mets un peu
 de tout pour racoler les gens, parce que je sais que l'article est long, long, looong)

I- Les faits.
Je suis blanche. Selon mes papiers, je suis de nationalité française. J'aime m'exprimer en langue française à l'écrit et à l'oral. C'est ma langue maternelle.
Pourtant très tôt sur ma route, j'ai eu la chance de croiser une autre culture. Par un heureux hasard, j'ai appris une autre langue, j'ai découvert des savoirs différents de ceux que connaissait ma mère. A l'école, avec mes meilleurs amis, avec une partie de ma famille, je ne parlais pas français. Lorsque j'ai eu l'age de faire mes propres choix, j'ai décidé de continuer à vivre dans ce milieu culturel, de m'impliquer dans les mouvements associatifs qui me faisaient frémir et de travailler dans la transmission de cette culture. Ce que mes parents m'ont au début imposé (Je n'ai effectivement jamais décidé des langues que je parlerais dans ma petite enfance) est finalement devenu une partie de moi si importante qu'elle a pris le dessus sur mon identité française officielle.

J'ai grandi avec une double culture, la belle affaire, me direz-vous. 


II- La loose.
Sauf que « l'autre » langue, celle que je transporte à côté du français, n'est pas l'anglais. Ce n'est pas une culture glamour que l'on entend dans toutes les radios et dont les portes-paroles sont sur-représentés dans les journaux, les télés, les pubs... J'ai appris le basque avant l'age de deux ans et je m'immerge dans sa culture depuis. Ca fait tout de suite moins rêver, n'est-ce pas? Je ne compte pas le nombre de fois où l'on m'a demandé à quoi ça servait de parler basque. Ou si l'on ne m'apprenait pas à devenir terroriste dans mon école de « baskoi »... C'est de l'humour, je sais bien que les gens qui ne connaissent pas ont tendance à dire n'importe quoi pour étouffer le malaise. Mais tout de même, pourquoi un malaise ? Depuis quand une culture, une langue, a plus d'intérêt qu'une autre ? De quel droit des gens se permettent de se foutre de ma gueule lorsque je parle basque avec mes amis dans la rue ? Pourquoi, quand je dis que je suis professeure de basque, je ressens souvent le besoin de me justifier, comme si mon interlocuteur avait le droit de s'autoriser à dénigrer mon métier? C'est une matière aussi noble que les mathématiques ou le français. J'ai eu mon diplôme comme tous les autres.
Lorsqu'on fait une remarque sur notre culture, notre façon de nous exprimer, nos engagements quotidiens, c'est une humiliation que l'on fait subir. Me parler de piment d'Espelette ou prendre un accent qui fait penser à un plouc analphabète (d'ailleurs, cet accent me dérange bien moins que celui du Parisien totalement normalisé) ou me faire une référence à Jean-Pascal De Lastarak (big up mec...) quand je dis que je suis basque, c'est rabaissant et restrictif.
Oui, dire « baskoi », c'est raciste. Oui, me demander à quoi ça sert de parler basque c'est une discrimination. Oui, essayer de me faire comprendre que les activités culturelles dans lesquelles je m'engage sont sectaires alors que l'on n'y a jamais participé c'est réducteur et dédaigneux. Ca te choque de traiter un noir de « négro » ? De dire à un juif qu'il a le nez crochu ? De demander aux asiatiques si c'est vrai qu'ils ont tous une petite bite ? Si c'est le cas, dis toi que je parle de la même chose. Une langue minoritaire mérite le même respect que n'importe quelle autre.


(J'ai lu la moitié. Je ferme la page? Je continue?)
III- La schizophrénie.
Evidemment grandir et vivre à cheval entre deux cultures provoque un certain conflit intérieur.
Surtout lorsque l'une est nettement plus représentée et valorisée que l'autre.
Comme je l'ai dit plus haut, je n'ai rien contre le français. C'est la langue dans laquelle je me sens aujourd'hui la plus à l'aise et sa culture est riche et passionnante à mes yeux. No problem pour moi. Pourtant, je ne me sens pas française.
Je n'ai pas à me justifier. Ni auprès de ceux qui seront assez étroits d'esprit pour estimer que je fais « un petit discours indépendantiste dangereux », ni auprès de ceux qui ne me considèrent pas assez « basque » pour me revendiquer comme telle.
Car, oui, ça existe. Mais ça peut s'expliquer. A force d'être rejetée, une personne devient suspicieuse et se referme. Ce qui est très drôle dans cette histoire, (drôle dans le sens « curieux » du terme et pas « désopilant ») c'est que certains dans mon entourage basque m'ont fait ressentir que j'étais trop française. Un niveau de langue pas assez bon, une culture superficielle, un engagement sommaire, un style vestimentaire pas assez identifié... Le moindre détail était assez bon pour me le renvoyer à la figure et me faire complexer.
Du regard d'un français, je suis donc une réac aux idées arriérées tout juste utile pour filer une recette de poulet basquaise ou pour enseigner à assembler deux câbles à une pile pour faire une bombe (je ne sais faire ni l'un ni l'autre...) et du regard d'un basque, je suis frivole, superficielle et peu impliquée.

IV- Le dénouement (il était temps)
Je sais heureusement que je ne suis pas la seule dans ma situation. Grandir avec deux cultures, dont une qui écrase l'autre n'est pas que mon problème. Je ne laisserai personne remettre mes idées et ce qui touche ma personnalité en question, quel que soit son point de vue.
Et si tu te demandes pourquoi j'écris en français avec tout ce que je prétends, peut-être que tu n'as rien compris. Nous vivons dans un contexte et un lieu complexe et paradoxal. C'est peut-être le reflet de l'une de mes nombreuses contradictions. C'est peut-être aussi, le seul moyen que j'ai trouvé pour m'exprimer et m'affirmer avec clarté, quitte à subir encore une fois, les reproches d'imposture et de non-valeur.


(Bravo, tu as survécu!à ce flot de paroles Ouuuf!)

samedi 15 avril 2017

Le vote utile ne passera pas par moi




« Quoi, mais tu vas voter pour un type qui ne passera pas la barre des 2% aux élections ? Mais c'est n'importe quoi, ça sert à rien ! Il faut faire barrage à Le Pen ! »


J'ai beaucoup de mal à supporter l'étiquette de la citoyenne française, mais vivant sous les lois de cet état je ne suis pas indifférente. J'ai tendance à détester les politiciens et toute la foire médiatique qui les entoure. De plus, mes connaissances à ce sujet sont limitées, minuscules voire quasi inexistantes. Je ne connais rien à l'économie, je déteste les études de marché et les stratégies de relations internationales mais j'ai une opinion.
Je ne prétends pas que mon opinion est meilleure que celle de quelqu'un d'autre, mais j'ai des convictions, des idées qui m'habitent, des luttes que je veux défendre.
Evidemment comme l'opinion publique en général, je gerbe sur Marine Le Pen et son discours de haine. Evidemment que je serais affligée si elle était à la tête de l'état. Mais pas plus qu'un Fillon. Discours haineux, mépris, racisme, discrimination, corruption... Je ne choisirai pas entre la peste et le choléra. Il y en a plus ou moins trois autres, plus ou moins à gauche à qui je pourrais donner ma voie afin que mon vote soit utile.
Je ne partage pas leurs idées. 

Mes idées convergent vers un petit parti et je veux montrer que d'autres vérités sont possibles. Alors quoi ? Au nom du grand méchant Loup Le Pen, je devrais laisser mes convictions de côté pour voter pour quelqu'un qui ne me convainc que très faiblement ?
Nous en sommes réduits à cette démocratie? Nous en sommes réduits à motiver nos votes par la peur ? La menace du pire a réussi à nous faire voter pour quelque chose de médiocre car nous nous sentons en danger, sous pression. Je ne jouerai pas à ce jeu là.
Il y a bien longtemps que j'ai compris que la belle « démocratie », sous cette forme n'était qu'une grosse blague, que nous ne changerions rien en votant, car le système est assez sournois pour que les choses restent telles qu'elles sont : injustes.

Lorsqu'on ne vote pas, par idée, par conviction, on passe pour un gros salaud, pire qu'un violeur d'enfants ou un tueur de bébés phoques (« non mais tu sais que des gens sont morts pour que tu puisse voter? »). Avec ces gens là, ces traitres à la nation, on est décomplexés, consensuellement on est d'accord qu'on peut les insulter oklm.
Un cap a été franchi. A présent, sous l'intimidation nous nous sentons obligés de voter « utile » pour que des politiciens pourris jusqu'à la moelle s'installent confortablement sur leur fauteuil en haut de leur tour dorée, et pour qu'ils nous observent nous déchirer autour de débats creux et sans fond, au nom de notre douce liberté.
Liberté, laisse-moi rire.



mercredi 14 septembre 2016

Informations concernant le livre Etats de Crises

Bonjour à tous,

Le livre Etats de Crises (recueil de nouvelles rédigé par mes soins) sera en vente à partir du 16 septembre 2016 dans divers points de ventes.
Si vous êtes trop loin et que vous désirez tout de même l'acheter, sur le blog (regardez la colonne en haut à droite... Coucou c'est par ici!) Le paiement est sécurisé via Paypal, no panic, il n'y a pas d'embrouille! Si vous avez un compte, vous pouvez payer via Paypal, sinon, vous pouvez le faire par carte. Le prix du livre est de 10,99 euros, et les frais de port de 2,99 euros.

Je vous informerai des différents points de ventes au fur et à mesure ici, sur le blog.

A très vite!






vendredi 15 avril 2016

Je me lance dans l'autoédition

http://www.kisskissbankbank.com/etats-de-crises-le-livre?ref=category
















Je me lance! Je tente l'aventure du crowdfunding afin de récolter des fonds pour publier mon futur livre. Bientôt, vous pourrez me lire sur la plage, dans l'avion, sur un banc, en tout cas, sur des vraies feuilles papier...
Le livre sortira en septembre, d'ici là, il y aura beaucoup de travail...
Ce sera un recueil de nouvelles. Certaines sont déjà apparues ici, d'autres, la majorité, n'ont jamais été diffusées.
Bien sur, je continuerais à alimenter le blog, mais peut-être avec moins de régularité. Ce projet me tient à cœur, je désire tout bien faire. Et vu que je fais tout, ça fera une sacrée somme de travail.
Si vous voulez plus d'info sur le projet, n'hésitez pas à cliquer sur le lien, vous pouvez même me faire une petite contribution. Plus le résultat de la récolte sera important, plus beau sera le produit fini!