(Je n'ai pas trouvé d'image pour illustrer cet article, du coup, je mets un peu
de tout pour racoler les gens, parce que je sais que l'article est long, long, looong)
I- Les
faits.
Je
suis blanche. Selon mes papiers, je suis de nationalité française.
J'aime m'exprimer en langue française à l'écrit et à l'oral.
C'est ma langue maternelle.
Pourtant
très tôt sur ma route, j'ai eu la chance de croiser une autre
culture. Par un heureux hasard, j'ai appris une autre langue, j'ai
découvert des savoirs différents de ceux que connaissait ma mère.
A l'école, avec mes meilleurs amis, avec une partie de ma famille,
je ne parlais pas français. Lorsque j'ai eu l'age de faire mes
propres choix, j'ai décidé de continuer à vivre dans ce milieu
culturel, de m'impliquer dans les mouvements associatifs qui me
faisaient frémir et de travailler dans la transmission de cette
culture. Ce que mes parents m'ont au début imposé (Je n'ai
effectivement jamais décidé des langues que je parlerais dans ma
petite enfance) est finalement devenu une partie de moi si importante
qu'elle a pris le dessus sur mon identité française officielle.
J'ai
grandi avec une double culture, la belle affaire, me direz-vous.
II- La
loose.
Sauf
que « l'autre » langue, celle que je transporte à côté
du français, n'est pas l'anglais. Ce n'est pas une culture glamour
que l'on entend dans toutes les radios et dont les portes-paroles
sont sur-représentés dans les journaux, les télés, les pubs...
J'ai appris le basque avant l'age de deux ans et je m'immerge dans sa
culture depuis. Ca fait tout de suite moins rêver, n'est-ce pas? Je
ne compte pas le nombre de fois où l'on m'a demandé à quoi ça
servait de parler basque. Ou si l'on ne m'apprenait pas à devenir
terroriste dans mon école de « baskoi »... C'est de
l'humour, je sais bien que les gens qui ne connaissent pas ont
tendance à dire n'importe quoi pour étouffer le malaise. Mais tout
de même, pourquoi un malaise ? Depuis quand une culture, une
langue, a plus d'intérêt qu'une autre ? De quel droit des gens
se permettent de se foutre de ma gueule lorsque je parle basque avec
mes amis dans la rue ? Pourquoi, quand je dis que je suis
professeure de basque, je ressens souvent le besoin de me justifier,
comme si mon interlocuteur avait le droit de s'autoriser à dénigrer
mon métier? C'est une matière aussi noble que les mathématiques ou
le français. J'ai eu mon diplôme comme tous les autres.
Lorsqu'on
fait une remarque sur notre culture, notre façon de nous exprimer,
nos engagements quotidiens, c'est une humiliation que l'on fait
subir. Me parler de piment d'Espelette ou prendre un accent qui fait
penser à un plouc analphabète (d'ailleurs, cet accent me dérange
bien moins que celui du Parisien totalement normalisé) ou me faire
une référence à Jean-Pascal De Lastarak (big up mec...) quand je
dis que je suis basque, c'est rabaissant et restrictif.
Oui,
dire « baskoi », c'est raciste. Oui, me demander à quoi
ça sert de parler basque c'est une discrimination. Oui, essayer de
me faire comprendre que les activités culturelles dans lesquelles je
m'engage sont sectaires alors que l'on n'y a jamais participé c'est
réducteur et dédaigneux. Ca te choque de traiter un noir de
« négro » ? De dire à un juif qu'il a le nez
crochu ? De demander aux asiatiques si c'est vrai qu'ils ont
tous une petite bite ? Si c'est le cas, dis toi que je parle de
la même chose. Une langue minoritaire mérite le même respect que
n'importe quelle autre.
(J'ai lu la moitié. Je ferme la page? Je continue?)
III-
La schizophrénie.
Evidemment
grandir et vivre à cheval entre deux cultures provoque un certain
conflit intérieur.
Surtout
lorsque l'une est nettement plus représentée et valorisée que
l'autre.
Comme
je l'ai dit plus haut, je n'ai rien contre le français. C'est la
langue dans laquelle je me sens aujourd'hui la plus à l'aise et sa
culture est riche et passionnante à mes yeux. No problem pour moi.
Pourtant, je ne me sens pas française.
Je
n'ai pas à me justifier. Ni auprès de ceux qui seront assez étroits
d'esprit pour estimer que je fais « un petit discours
indépendantiste dangereux », ni auprès de ceux qui ne me
considèrent pas assez « basque » pour me revendiquer
comme telle.
Car,
oui, ça existe. Mais ça peut s'expliquer. A force d'être rejetée,
une personne devient suspicieuse et se referme. Ce qui est très
drôle dans cette histoire, (drôle dans le sens « curieux »
du terme et pas « désopilant ») c'est que certains dans
mon entourage basque m'ont fait ressentir que j'étais trop
française. Un niveau de langue pas assez bon, une culture
superficielle, un engagement sommaire, un style vestimentaire pas
assez identifié... Le moindre détail était assez bon pour me le
renvoyer à la figure et me faire complexer.
Du
regard d'un français, je suis donc une réac aux idées arriérées
tout juste utile pour filer une recette de poulet basquaise ou pour
enseigner à assembler deux câbles à une pile pour faire une bombe
(je ne sais faire ni l'un ni l'autre...) et du regard d'un basque, je
suis frivole, superficielle et peu impliquée.
IV- Le
dénouement (il était temps)
Je
sais heureusement que je ne suis pas la seule dans ma situation.
Grandir avec deux cultures, dont une qui écrase l'autre n'est pas
que mon problème. Je ne laisserai personne remettre mes idées et ce
qui touche ma personnalité en question, quel que soit son point de
vue.
Et si
tu te demandes pourquoi j'écris en français avec tout ce que je
prétends, peut-être que tu n'as rien compris. Nous vivons dans un
contexte et un lieu complexe et paradoxal. C'est peut-être le reflet
de l'une de mes nombreuses contradictions. C'est peut-être aussi, le
seul moyen que j'ai trouvé pour m'exprimer et m'affirmer avec
clarté, quitte à subir encore une fois, les reproches d'imposture
et de non-valeur.
(Bravo, tu as survécu!à ce flot de paroles Ouuuf!)