mardi 10 octobre 2017

Une domination sans partage


(Je n'ai pas trouvé d'image pour illustrer cet article, du coup, je mets un peu
 de tout pour racoler les gens, parce que je sais que l'article est long, long, looong)

I- Les faits.
Je suis blanche. Selon mes papiers, je suis de nationalité française. J'aime m'exprimer en langue française à l'écrit et à l'oral. C'est ma langue maternelle.
Pourtant très tôt sur ma route, j'ai eu la chance de croiser une autre culture. Par un heureux hasard, j'ai appris une autre langue, j'ai découvert des savoirs différents de ceux que connaissait ma mère. A l'école, avec mes meilleurs amis, avec une partie de ma famille, je ne parlais pas français. Lorsque j'ai eu l'age de faire mes propres choix, j'ai décidé de continuer à vivre dans ce milieu culturel, de m'impliquer dans les mouvements associatifs qui me faisaient frémir et de travailler dans la transmission de cette culture. Ce que mes parents m'ont au début imposé (Je n'ai effectivement jamais décidé des langues que je parlerais dans ma petite enfance) est finalement devenu une partie de moi si importante qu'elle a pris le dessus sur mon identité française officielle.

J'ai grandi avec une double culture, la belle affaire, me direz-vous. 


II- La loose.
Sauf que « l'autre » langue, celle que je transporte à côté du français, n'est pas l'anglais. Ce n'est pas une culture glamour que l'on entend dans toutes les radios et dont les portes-paroles sont sur-représentés dans les journaux, les télés, les pubs... J'ai appris le basque avant l'age de deux ans et je m'immerge dans sa culture depuis. Ca fait tout de suite moins rêver, n'est-ce pas? Je ne compte pas le nombre de fois où l'on m'a demandé à quoi ça servait de parler basque. Ou si l'on ne m'apprenait pas à devenir terroriste dans mon école de « baskoi »... C'est de l'humour, je sais bien que les gens qui ne connaissent pas ont tendance à dire n'importe quoi pour étouffer le malaise. Mais tout de même, pourquoi un malaise ? Depuis quand une culture, une langue, a plus d'intérêt qu'une autre ? De quel droit des gens se permettent de se foutre de ma gueule lorsque je parle basque avec mes amis dans la rue ? Pourquoi, quand je dis que je suis professeure de basque, je ressens souvent le besoin de me justifier, comme si mon interlocuteur avait le droit de s'autoriser à dénigrer mon métier? C'est une matière aussi noble que les mathématiques ou le français. J'ai eu mon diplôme comme tous les autres.
Lorsqu'on fait une remarque sur notre culture, notre façon de nous exprimer, nos engagements quotidiens, c'est une humiliation que l'on fait subir. Me parler de piment d'Espelette ou prendre un accent qui fait penser à un plouc analphabète (d'ailleurs, cet accent me dérange bien moins que celui du Parisien totalement normalisé) ou me faire une référence à Jean-Pascal De Lastarak (big up mec...) quand je dis que je suis basque, c'est rabaissant et restrictif.
Oui, dire « baskoi », c'est raciste. Oui, me demander à quoi ça sert de parler basque c'est une discrimination. Oui, essayer de me faire comprendre que les activités culturelles dans lesquelles je m'engage sont sectaires alors que l'on n'y a jamais participé c'est réducteur et dédaigneux. Ca te choque de traiter un noir de « négro » ? De dire à un juif qu'il a le nez crochu ? De demander aux asiatiques si c'est vrai qu'ils ont tous une petite bite ? Si c'est le cas, dis toi que je parle de la même chose. Une langue minoritaire mérite le même respect que n'importe quelle autre.


(J'ai lu la moitié. Je ferme la page? Je continue?)
III- La schizophrénie.
Evidemment grandir et vivre à cheval entre deux cultures provoque un certain conflit intérieur.
Surtout lorsque l'une est nettement plus représentée et valorisée que l'autre.
Comme je l'ai dit plus haut, je n'ai rien contre le français. C'est la langue dans laquelle je me sens aujourd'hui la plus à l'aise et sa culture est riche et passionnante à mes yeux. No problem pour moi. Pourtant, je ne me sens pas française.
Je n'ai pas à me justifier. Ni auprès de ceux qui seront assez étroits d'esprit pour estimer que je fais « un petit discours indépendantiste dangereux », ni auprès de ceux qui ne me considèrent pas assez « basque » pour me revendiquer comme telle.
Car, oui, ça existe. Mais ça peut s'expliquer. A force d'être rejetée, une personne devient suspicieuse et se referme. Ce qui est très drôle dans cette histoire, (drôle dans le sens « curieux » du terme et pas « désopilant ») c'est que certains dans mon entourage basque m'ont fait ressentir que j'étais trop française. Un niveau de langue pas assez bon, une culture superficielle, un engagement sommaire, un style vestimentaire pas assez identifié... Le moindre détail était assez bon pour me le renvoyer à la figure et me faire complexer.
Du regard d'un français, je suis donc une réac aux idées arriérées tout juste utile pour filer une recette de poulet basquaise ou pour enseigner à assembler deux câbles à une pile pour faire une bombe (je ne sais faire ni l'un ni l'autre...) et du regard d'un basque, je suis frivole, superficielle et peu impliquée.

IV- Le dénouement (il était temps)
Je sais heureusement que je ne suis pas la seule dans ma situation. Grandir avec deux cultures, dont une qui écrase l'autre n'est pas que mon problème. Je ne laisserai personne remettre mes idées et ce qui touche ma personnalité en question, quel que soit son point de vue.
Et si tu te demandes pourquoi j'écris en français avec tout ce que je prétends, peut-être que tu n'as rien compris. Nous vivons dans un contexte et un lieu complexe et paradoxal. C'est peut-être le reflet de l'une de mes nombreuses contradictions. C'est peut-être aussi, le seul moyen que j'ai trouvé pour m'exprimer et m'affirmer avec clarté, quitte à subir encore une fois, les reproches d'imposture et de non-valeur.


(Bravo, tu as survécu!à ce flot de paroles Ouuuf!)

samedi 15 avril 2017

Le vote utile ne passera pas par moi




« Quoi, mais tu vas voter pour un type qui ne passera pas la barre des 2% aux élections ? Mais c'est n'importe quoi, ça sert à rien ! Il faut faire barrage à Le Pen ! »


J'ai beaucoup de mal à supporter l'étiquette de la citoyenne française, mais vivant sous les lois de cet état je ne suis pas indifférente. J'ai tendance à détester les politiciens et toute la foire médiatique qui les entoure. De plus, mes connaissances à ce sujet sont limitées, minuscules voire quasi inexistantes. Je ne connais rien à l'économie, je déteste les études de marché et les stratégies de relations internationales mais j'ai une opinion.
Je ne prétends pas que mon opinion est meilleure que celle de quelqu'un d'autre, mais j'ai des convictions, des idées qui m'habitent, des luttes que je veux défendre.
Evidemment comme l'opinion publique en général, je gerbe sur Marine Le Pen et son discours de haine. Evidemment que je serais affligée si elle était à la tête de l'état. Mais pas plus qu'un Fillon. Discours haineux, mépris, racisme, discrimination, corruption... Je ne choisirai pas entre la peste et le choléra. Il y en a plus ou moins trois autres, plus ou moins à gauche à qui je pourrais donner ma voie afin que mon vote soit utile.
Je ne partage pas leurs idées. 

Mes idées convergent vers un petit parti et je veux montrer que d'autres vérités sont possibles. Alors quoi ? Au nom du grand méchant Loup Le Pen, je devrais laisser mes convictions de côté pour voter pour quelqu'un qui ne me convainc que très faiblement ?
Nous en sommes réduits à cette démocratie? Nous en sommes réduits à motiver nos votes par la peur ? La menace du pire a réussi à nous faire voter pour quelque chose de médiocre car nous nous sentons en danger, sous pression. Je ne jouerai pas à ce jeu là.
Il y a bien longtemps que j'ai compris que la belle « démocratie », sous cette forme n'était qu'une grosse blague, que nous ne changerions rien en votant, car le système est assez sournois pour que les choses restent telles qu'elles sont : injustes.

Lorsqu'on ne vote pas, par idée, par conviction, on passe pour un gros salaud, pire qu'un violeur d'enfants ou un tueur de bébés phoques (« non mais tu sais que des gens sont morts pour que tu puisse voter? »). Avec ces gens là, ces traitres à la nation, on est décomplexés, consensuellement on est d'accord qu'on peut les insulter oklm.
Un cap a été franchi. A présent, sous l'intimidation nous nous sentons obligés de voter « utile » pour que des politiciens pourris jusqu'à la moelle s'installent confortablement sur leur fauteuil en haut de leur tour dorée, et pour qu'ils nous observent nous déchirer autour de débats creux et sans fond, au nom de notre douce liberté.
Liberté, laisse-moi rire.