mardi 26 janvier 2016

Les rastas anonymes part I


Journaliste d'investigation de longue date, j'ai enfin eu l'autorisation d'observer une réunion de rastas anonymes. Ce mouvement fondé aux Etats Unis dans les années 80, par le désormais célèbre psychiatre - sociologue – philosophe Rowland Osmondeu, réunit chaque jour de plus en plus d'adeptes décidés à couper leurs dreads une bonne fois pour toutes.
Enquête.

Il est 19h45, me voici dans le fief des rastas anonymes. Je me dirige naturellement vers un jeune homme d'environ 25 ans a l'allure saine : il a les cheveux courts, porte une chemise, et un pantalon slim. Je suis loin de m'imaginer l'enfer qu'a pu vivre cet individu, et par quelle déchéance il a pu passer. C'est avec bienveillance qu'il accepte mon interview.


Bonjour, pourriez vous nous parler de votre parcours ? Ce qui vous à mené à être ici aujourd'hui ?
Bien. Je vais vous parler sans langue de bois. Je vais être honnête, alors j'espère que vous avez le cœur bien accroché et que vous n'êtes pas avare en tolérance. Je m'appelle Alex. Mais à l'époque, je me faisais appeler... Jajah.
Je ne sais pas trop comment tout a commencé. Je crois que c'était en 5eme. Un garçon de ma classe a commencé a dessiner sur mon agenda. C'était vert, rouge et jaune et l'enfant innocent que j'étais a aimé. Le type m'a expliqué que c'était le drapeau rasta et que si je voulais, il pouvait me passer le best of de Bob Marley pour mieux connaître l'infâme mouvement. Il était très mal intentionné. Mais il faut me comprendre. J'étais faible, mes parents divorçaient, et j'admirais ce mec. J'avoue, j'ai cruellement manqué de jugement. Le pire dans tout ça, c'est qu'à la première écoute de Jamming, je n'ai pas aimé Bob Marley. Mais très certainement pour rentrer dans le moule, j'ai écouté tout l'album. A la fin du disque, j'étais complètement emballé. Bizarre à comprendre mais c'était comme si on m'avait retourné le cerveau. Je n'ai pas pris garde, et ces rythme enfantins et on ne peut plus basiques ont été addictifs pour le cerveau en pleine construction du petit garçon que j'étais alors.
Donc, évidemment, le lendemain, je demandais à mon copain d'autres albums pour assouvir ma soif de Bob Marley. J'écoutais ça en boucle. Je pense que ça a commencé aussi simplement que ça.
Tout s'est ensuite très vite dégradé. J'ai commencé à pousser des « yeah man » ou des « mon frère » à tout bout de champ. Mais je ne me suis pas arrêté là. J'ai commencé à adopter l'état d'esprit rasta que je ne quitterais plus pendant dix ans. J'admets m'être en effet laissé engrener par leur philosophie néfaste et nuisible. Je rappelle que j'étais jeune, et qu'à l'époque je n'avais rien à quoi me raccrocher. Vous savez, j'ai eu une enfance très difficile, bercé par les disputes et cris, il me fallait un refuge, et sentir que je faisais partie d'un groupe. J'ai bêtement cru que ces gens me voulaient du bien et qu'ils m'aimeraient ainsi. Je me suis donc efforcé de comprendre les paroles de Bob Marley, j'ai pris connaissance de Jah, de Babylonia et de toutes ces crapuleries. A présent j'avais un Dieu, une quête, des principes. Je croyais avoir trouvé un refuge, une communauté assez puissante pour m'accepter tel que j'étais. Je me suis alors retrouvé du jour au lendemain, le cerveau rongé, économisant tout mon argent de poche pour partir en pèlerinage en Ethiopie, sois-disant la terre promise.

Mais que faisaient vos parents dans tout ça ? Ne pensez vous pas qu'ils auraient pu contrôler toute cette déchéance ?
Je ne blâme pas mes parents. Ils se déchiraient et j'étais malin comme un singe. Donc j'ai pu commencer à me détruire en portant des teeshirt « Jamaica style » sans qu'ils ne réalisent à quel point je me mettais en danger.
J'écoutais du Tryo à longueur de journée et mon objectif était d'apprendre à jouer avec des bolas sur une plage tout en écoutant des sons guitare. Ne me regardez pas comme ça. Je reviens de loin, je vous l'ai déjà dit.
Puis à 14 ans, j'ai carrément vrillé. En plus de mes sarouels en laine de chèvre qui grattaient le cul, que je payais une fortune, je me suis fait des dreads.
Oui.
Des dreads.
A cette époque là j'avais commencé à ne trainer qu'avec des gens que je considérais «comme moi » j'avais donc beaucoup de mal à réaliser que j'allais beaucoup trop loin, qu'il y avait un sérieux problème. C'est ma petite amie ddu moment qui m'avait conseillé de faire des dreads, par ce que ça donnait un air cool. Je dois préciser que cette rognure m'avait aussi fait du chantage, en me disait que si j'en étais vraiment un, si j'étais des leurs, je ne verrais aucun inconvénient à porter cette serpillière sur la tête. Je voulais être aimé, je ne voyais pas le mal à tout ça, et, je allé en faire chez un coiffeur, par ce que je ne savais pas comment on faisait.
J'admets que la réaction de ma mère quand je suis rentré chez moi avec cette coiffure m'a fait très peur. Elle n'était vraiment pas contente. Je me sentais incompris. J'en étais au point ou seul Jimmy Cliff pouvait me rassurer. Je me suis donc cloitré dans ma chambre pendant 24h, en écoutant Don't worry, be happy en boucle.
Puis, vite après, j'ai commencé mes premiers festivals. Je n'en avais jamais assez, j'allais toujours plus loin dans le pathétique. J'accuse particulièrement le Reggae Sun Ska festival. Il m'a entrainé dans une spirale infernale. J'y retournais chaque année. Et chaque année j'y découvrais des groupes plus « peace » les uns que les autres. Un nouveau groupe à ajouter a ma playlist, et dont la démarche nonchalante et les mimiques m'inspiraient. J'estimais avoir la même philosophie et spiritualité qu'eux. Oui, je sais, ça avait atteint un point de quasi non retour. J'estimais le reggae comme une doctrine, une sagesse... C'est tellement ridicule avec du recul.
Lors de mes années lycée, j'avais commencé à jouer du djembé avec une bande de paumés. On se faisait des medleys rythmiques sur des parking jusqu'à tard dans la nuit. Ca ne plaisait pas au voisinage, et j'ai peu à peu réalisé qu'il n'y avait pas que ma mère qui me trouvait lourd.


La suite, vendredi!

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