mardi 16 février 2016

C'était le projet d'une vie part I





Pour moi, les choses ont toujours été très claires. Depuis petite, je savais de quoi mon avenir serait fait, et comment il serait tracé. Particulièrement concernant ma vie affective. Il était évident que j'aurais mon premier enfant à 26 ans, une petite fille, Maria et, qu'ensuite j'en aurais un second à 28 ans, un garçon, Leo. Tout se passerait comme je l'avais programmé. Je voyais en la maternité quelque chose d'absolue, de simple, et l'éducation de mes enfants se ferait naturellement, sans entrave. Contrairement à beaucoup d'autres, je n'avais aucune peur. Non, je n'avais pas peur du danger qui pourrait getter nos enfants, je n'avais pas peur des maladies, je n'avais pas peur de l'adolescence, ni de leur avenir incertain, ou qu'ils sombrent dans les drogues, l'alcool ou la déchéance. J'abordais le fait d'être mère avec sérénité, car je savais pertinemment que j'étais faite pour. J'avais beaucoup de mal à comprendre ces femmes qui ne voulaient pas d'enfant, ou qui ne se sentaient pas prêtes. Une femme est biologiquement faite pour ça. Elle est faite pour avoir des enfants, donc c'est dans toutes ses fibres qu'elle doit se sentir mère. C'est ainsi que je percevais les choses.
A l’âge de vingt-trois ans je devenais infirmière en puériculture, et malgré la difficulté de la tâche, la proximité avec les mamans et les nouveaux nés, m'enrichissaient et m'apportaient toute l'énergie positive dont j'avais besoin pour accomplir mon petit dessein. A l’âge de vingt-quatre ans, je rencontrais l'homme qui, je le décidais, serait l'homme de ma vie et le père de mes enfants : Eric. C'est ainsi, je n'avais pas eu besoin de le chercher, il s'était imposé comme une évidence. Il correspondait à tous mes critères : gentil, attentionné, disponible, ambitieux, stable et capable de gérer les situations compliquées. Le fait d'avoir un premier enfant s'est vite imposé à nous, mais nous préférions attendre un peu et ne pas se précipiter. Eric me permettait de prendre mon mal en patience. Selon moi, il fallait attendre le temps de se connaître, d'emménager ensemble, de se marier, et nous pourrions avoir notre premier enfant. Nous arriverions donc à l’âge de 26 ans, comme je l'avais prévu. Nous avons donc acheté un appartement avec deux chambres, nous nous sommes mariés en grandes pompes à la mairie de mon village, et avons sérieusement planifié nos projets d'avenir. Tout le monde était impressionné autour de moi par la manière dont je gérais ma vie. J'étais maitresse de mon destin, et je tenais les rênes telles que je le souhaitais. J'avais d’ailleurs du mal à comprendre comment à mon âge certains pouvaient être aussi paumés, sans emploi, à sortir tous les deux jours. La vie, ce n'était pas ça. Il fallait être rigoureux et stratège pour atteindre ses objectifs. Une fois que l'on avait compris ça, le plus dur était fait, il suffisait de suivre la ligne que l'on se traçait, et de s'y tenir. C'était la seule façon d'y arriver.

Bien que comblée par notre vie à deux et par mon mari, quelques mois après notre mariage, je lui soumettais l'idée d'avoir un enfant. Il ne réagit pas comme je le souhaitais et me dit d'attendre un peu. Nous venions de nous marier, et il voulait profiter de notre couple avant qu'un enfant vienne tout chambouler. Attendre ? Mais combien de temps ? Je ne pouvais pas attendre ! Si nous nous marrions, c'était évident que le but était d'avoir des enfants, non ? Sans cesse je lui répétais que je voulais un petit bébé de lui, et à chaque fois, il me disait qu'il voulait attendre, qu'il n'était pas tout à fait prêt. Il se défilait ! Pourquoi m'avait-il épousé alors ? Pour passer nos soirées à se regarder dans le blanc des yeux ? Non, il m'en fallait plus. J'ai attendu, les mois passaient, j'arrivais au dernier trimestre de mes 26 ans, et j'essayais de me rassurer, en me disant que 26 ou 27 ans pour avoir un enfant ce n'était pas une grande différence, que mes objectifs n'étaient que peu chamboulés. Mais l'année de mes 27ans est arrivée, les mois ont avancé, et mon mari ne ressentait toujours pas mon envie qui se transformait en obsession. Je lui mis un ultimatum : soit on fait un enfant, soit je divorce. Je savais que c'était assez mesquin car il n'avait aucune envie de divorcer, et moi non plus, pas après tout ce que nous avions construit, mais je me disais que c'était la solution pour lui faire un électrochoc. Dans ma tête, quand je lui fis ce chantage affectif, je n'eus en aucun cas l'idée de le concrétiser. Divorcée à moins de 30ans, et puis quoi encore ? Le fait est que la menace eut l'effet escompté, et après quelques jours de réflexion, des jours qui furent longs, lourds, où la communication était compliquée, car mon mari se sentait pris en otage, mais, où moi je me sentais malheureuse, il finit par accepter que nous ayons notre premier petit bébé. Enfin, j'allais avoir ma petite Maria à serrer dans mes bras ! Je l'imaginais tellement bien ! Elle me ressemblerait. De grands yeux noisettes, des taches de rousseur sur sa petite frimousse et de longs cheveux frisés et bruns. Une petite moi que je pourrais habiller comme je le souhaite. Elle sera pleine d'entrain, de bonne humeur, toujours joyeuse mais très timide avec les inconnus. Une gamine affectueuse, qui aimera aller à l'école et aura plein de petits camarades à qui je ferais des pâtisseries le weekend. Je l'avais tellement imaginée durant toutes ces années, que je savais exactement à quoi elle ressemblerait.



J'avais arrêté de prendre la pilule le jour où Eric m'avait dit qu'il était d'accord. Je savais qu'il faudrait peut-être quelques mois avant de tomber enceinte mais dans certains cas, ça marchait très vite. Nous nous sommes attelés à la tâche avec beaucoup d'application. J'avais lu des livres sur les positions conseillées, les horaires idéales, et je connaissais ma date d'ovulation de chaque mois par cœur, sans avoir à y réfléchir. Le plan était infaillible, avec une telle énergie, quand j'allais avoir 28 ans, Maria serait dans mes bras. Nous avions déjà deux ans de retard sur le programme, il fallait faire vite.
Pourtant, au bout de six mois, il n'y avait toujours rien. Au début, malgré mon empressement, je me disais que c'était normal, j'avais pris des hormones pendant un moment, mon cycle devait se recadrer. Mais six mois, à ne penser qu'à ça, c'était long. Je commençais à m'inquiéter, à interroger mes collègues : faisais-je tout bien ? Fallait-il manger des aliments en particulier ? Faire plus ou moins de sport ? Je ne comprenais pas. J'échangeais avec certains docteurs qui me disaient qu'à mon âge, en étant en bonne santé, les choses iraient toutes seules. Les mois continuent pourtant à s'écouler, et il n'y avait toujours rien dans mon ventre. Comment était-ce possible ? Je devenais déprimée et colérique, je ne pensais qu'à ça, je ne comprenais pas pourquoi moi, je n'avais rien alors que des connasses tombaient enceintes comme elles baissaient leurs culottes pour aller aux toilettes. C'était injuste. Certaines avortent car elles n'en veulent pas et moi, qui en crevais d'envie, n'avais rien. Je ne pouvais plus accepter la situation, et décidais qu'il en était assez, j'emmenais Eric pour faire une batterie d'examens, peut-être que son sperme était pourri ou que mes ovaires ne marchaient pas. Nous sommes allés voir des experts en fertilité, qui nous ont pris en charge, qui ont tout analysé en détail et ont étudié chacune des éventualités possibles. Le jour du résultat je croyais que j'allais mourir d'angoisse. Je n'avais jamais pensé que je pourrais être stérile, ce n'était pas dans mes plans. Qu'allais-je pouvoir faire, moi qui voulais plus que tout sentir un enfant grandir dans mon ventre ? Mais les bilans étaient sans appel : ni Eric ni moi n'avions le moindre problème. Nous étions les deux parfaitement sains, et il n'y avait aucune incompatibilité possible. Tout fonctionnait à merveille là-dedans.

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